En partenariat avec GOLFTECHNIC.com, les lauréats du Grand Prix Littéraire du Golf 2024 ont été décernés aux 3 meilleures nouvelles. Découvrez ci-dessous les textes ainsi que la présentation des 3 auteurs lauréats.

PUBLICATION DES LAURÉATS

LA SAISON 2023-2024

Bravo à tous les lauréats. La remise des prix devrait se dérouler au mois d’août 2024 au GolfParc Robert Hersant (28).

LE PREMIER PRIX a été décerné à Monsieur Romain LIZÉ, de POITIERS (86) pour

« OBSTACLE D’EAU » ou les états d’âme d’un golfeur ayant perdu sa balle dans un obstacle d’eau.

Présentation de l’auteur :

« Partageant mon quotidien professionnel entre les ressources humaines et l’informatique, je profite de mon temps libre pour cultiver ma passion pour la littérature. Le GPLG m’a offert l’opportunité de raviver mes souvenirs de greens au fil de la narration, faisant resurgir le vertige qu’éprouve le golfeur au départ du trou n°1 : un horizon vert en guise de page blanche. »

OBSTACLE D’EAU

Du ciel pleuvait une lumière blanche, des rayons de feu tempérés par un épais brouillard, comme si le jour peinait à sortir de son lit. Mon esprit aussi semblait repousser le réveil. Ce n’est qu’en approchant du départ, à la vue lointaine de cette tache vert tendre surmontée d’un pavillon rouge, que ma vue s’est éclaircie, dissipant l’ombre pour entrevoir la lumière.

Mes muscles raides ont hasardé un swing autrefois robuste. La trajectoire de la balle m’a rappelé sans délai l’humilité inhérente à la pratique du golf. Quand les joueurs chevronnés paraissent ne faire qu’un avec leur club, l’alignant harmonieusement avec l’axe de leurs bras, dessinant des courbes régulières sur la lande endormie, le mien faisait figure d’excroissance de ma maladresse. Alors que j’observais un promeneur cheminer à l’orée du bois voisin, j’imaginais sa surprise en apercevant ma silhouette courbée de laboureur de fairways innocents.

Après avoir ramassé la balle au fond du trou numéro un, j’ai lancé un regard noir sur la fiche de score qui dépassait de la poche de mon sac. Le papier avait jauni durant mon absence. Les coins écornés me rappelaient la raison qui m’avait éloigné des greens. Faisant fi d’un passé encore trop présent, j’ai replongé la feuille au fond de la poche. Le score ne serait pas ma préoccupation du jour.

Au fur et à mesure que la brume s’élevait dans les cimes, mes gestes se sont affermis. Mon corps retrouvait la mémoire du jeu. Porté par ce parcours dont chaque méandre relevait du pèlerinage, j’inspirais avidement l’air matinal qui, une heure et demie plus tôt, me faisait l’effet d’une bouillie dense, à l’image des idées qui peuplaient mon esprit avant de fouler l’herbe humide.

Comment avais-je pu oublier la vertu de ce sport unique ? Cette discipline exigeante, tant physiquement que mentalement, revêt la particularité de provoquer l’élévation de la balle autant que celle de l’esprit. À chaque coup réussi, ce dernier semble graviter autour du projectile blanc avant de retomber délicatement sur le gazon ras, à la manière d’une bouteille porteuse d’espoir dérivant sur un océan vert.

Comme les papilles de Proust réagissant à la saveur d’une madeleine, l’arrivée au départ du trou numéro huit a ravivé des souvenirs viscéraux, de ceux qui font jaillir des sensations endormies. L’origine de cette divine amertume brillait à cinq mètres du green. Il s’agissait d’une étendue d’eau de quelques dizaines de mètres carrés dont l’évitement était rendu extrêmement délicat par la physionomie du terrain. En outre, de larges chênes entouraient ce seul accès au green, faisant de ce point un passage incontournable pour terminer le trou.

Un claquement sec, une respiration paniquée, puis un bruit blanc ponctué d’un long soupir : telle était la partition du trou numéro huit, la symphonie des balles trempées. Le cérémonial était resté identique : une marche agacée vers ce piège aussi stimulant que machiavélique, un regard penché sur la surface de l’eau, et… quelque chose avait changé. Ce n’était pas la forme du bassin, ni le camaïeu automnal du fond se mélangeant aux reflets du ciel, pas même la végétation droite couronnant la rive…

Après de longues minutes passées à contempler l’étendue brune, j’ai fini par comprendre. Le contour de mes yeux, la peau de mon front, les sillons dessinés sur mes joues, ma chevelure clairsemée : en réalité, rien n’avait changé ici, mis à part moi. Mes traits se mirant dans l’eau paisible n’avaient rien de comparable à ceux que j’observais, quelques années en arrière, avant que la maladie m’accable sans parvenir à m’emporter.

Depuis le bord de la rive, je devinais qu’une partie de moi-même subsistait ici. Une idée étrange m’a alors envahi : durant ces longs mois perdus dans une chambre blanche éclairée de néons crus, surnageait encore mon portait imprimé à la surface, à peine visible, comme un filigrane persistant sur un timbre ancien, prêt à saluer les golfeurs maladroits qui, comme moi, plongeaient trop souvent leur regard dans l’obstacle d’eau.

La vision d’une balle végétant au fond du bassin m’a extirpé de mes songes. Je l’ai attirée vers moi du bout de mon wedge. Elle était visiblement trop ancienne pour être celle que je venais de perdre, mais son motif m’a interpelé… Bien sûr ! Ce symbole de pièce d’or, l’air espiègle de Monsieur André, tout cela me revenait par fragments…

Plusieurs années auparavant, alors que s’était ébruité le mal dont je souffrais, Monsieur André, figure du club aussi emblématique que discrète, s’était approché de moi à pas feutrés.

─ Il y a quelques semaines de cela, je vous ai entendu parler de votre amour contrarié pour l’Italie, terre que vous disiez ne pas avoir revue depuis longtemps.

─ Absolument, ma femme et moi nous sommes rencontrés à Rome…

Ne me laissant pas finir ma phrase, il m’avait tendu un sac de velours bleu roi. J’y avais découvert six balles floquées de pièces d’or.

─ En attendant de lancer une pièce porte-bonheur dans la fontaine de Trévi, j’espère du fond du cœur que ces balles vous porteront chance si, par malheur, elles atterrissaient dans le piège du trou numéro huit.

Avec ce mélange d’humour grinçant et de tendresse qui le caractérisait, il m’avait adressé un sourire complice en disparaissant aussi furtivement qu’il était apparu.

Des années plus tard, en ce jour de rémission golfique jalonné de sentiments oubliés, j’ai terminé mon parcours comme on clôt un livre d’enfance : absorbé par la redécouverte d’émotions passées, m’accrochant à l’idée absurde et belle que, dissimulé au fond de l’obstacle d’eau, le secret de ma renaissance n’avait cessé de briller.

LE DEUXIÈME PRIX a été décerné à Madame Hélène GOFFART de Hennuyères, en Belgique pour

« NOSTALGIE » ou les réminiscences d’une mère pour la passion de son fils.

Présentation de l’auteur :

« J’ai une passion pour le golf…Dommage qu’elle ne soit pas partagée ! » répète l’immense Érik Orsenna. Nous partageons les mêmes affinités : celle de l’écriture, et celle du golf. La première plus ancienne, la seconde plus récente. Comment s’articulent ces deux passions ? En complémentarité involontaire puisque, pour dissoudre les tracas de l’écriture, je pars jouer au golf. Et je reviens vite à l’écriture pour oublier les soucis du golf ! »

NOSTALGIE

Je me souviens d’un soir où la lumière dorée du crépuscule baignait le terrain de golf près duquel je venais de déposer l’amour de ma vie. Ses pupilles noires et brillantes, plantées au-dessus de son sourire ravageur, parlaient pour lui ; il était heureux. Ses amis l’attendaient et tous ne rêvaient déjà plus que de putts, fades ou draws.

Pour lui, j’existerais de moins en moins. Mon cœur se teintait de tristesse anticipée, car je savais que cette passion allait l’emmener loin de moi.

Je me souvenais de ses débuts sur le green et des doux moments partagés. Peu à peu, le golf avait pris une place prépondérante, devenant une ombre entre nous. Chaque club, chaque swing semblait nous éloigner un peu plus, et je sentais la distance grandir à mesure que son amour pour le golf s’intensifiait. Je le voyais, ce sport était une partie essentielle de lui-même, une extension de son être. Et même si je comprenais sa passion, une part de moi se sentait laissée pour compte, observant son nouveau monde depuis la périphérie. Mon manque d’habileté à manier un club me laissait étrangère dans le royaume du golf, là où il ne faisait que progresser.

Ce soir-là, en regardant sa silhouette s’éloigner vers le green, la tristesse broya soudain mon cœur. Les derniers rayons de soleil caressaient son dos, créant devant lui une ombre immense, augure de son succès à venir.

« Tu vas me manquer », murmurai-je, comme une prière faible à l’adresse du ciel. Il se retourna, un sourire tendre sur les lèvres, mais ses yeux brillaient déjà de l’anticipation de la partie à venir.

« À tout-à-l’heure », répondit-il avec entrain, sans même constater mon chagrin.

Rien ne pourrait changer cela, l’appel du golf serait plus fort que notre amour. Et, bientôt, les jours s’écouleraient, avec leurs lots de solitude et de silences prolongés. Les appels téléphoniques deviendraient des rituels rapides entre deux trous, entre deux parties. Les mots doux et les promesses d’amour éternel appartiendraient à une époque révolue, noyés dans le fracas des clubs frappant la balle.

Je suis restée debout, le regardant de loin s’ébattre sur le green, mon sourire masquant ce creux grandissant dans mon cœur et mon estomac. Les rires, les plaisanteries, l’énergie vibrante du terrain me laissaient en marge de cette passion dévorante.

Je pourrais accepter le rôle de celle qui attend patiemment sur la ligne de touche, je deviendrais une compagne reléguée au second plan derrière les fairways et les greens impeccables. Oui, puisque je n’avais pas le choix, j’accepterais de ne plus être la première des priorités de sa vie.

Dans un crissement, je compris à ce moment que d’autres passions se joindraient au golf tôt ou tard. Il se ferait de plus en plus d’amis et, un jour, il rencontrerait une femme qui aurait, comme lui, ces dispositions que je ne possédais pas pour le swing. Ce jour-là, il me quitterait, il irait vivre ailleurs, c’était une évidence.

Le soir grignotait peu à peu la lumière. Je l’ai alors vu revenir vers moi, la victoire éclairant ses traits.

« J’ai gagné ! J’ai gagné ! » a-t-il crié en se précipitant vers moi pour m’embrasser. Je l’ai serré dans mes bras, laissant sa fierté m’envahir au point de devenir mienne.

« Bien sûr, tu as gagné. » Je soufflais dans ses cheveux des mots d’amour tandis qu’il me dévisageait, radieux.

« Et tu sais quoi ? Cette victoire, je te la dédie, Maman. Tu as toujours été là pour m’encourager. »

Une émotion indescriptible me submergea tandis que j’embrassais plus fort encore la tête brune de mon petit garçon si doué et qui grandissait tellement vite.

LE TROISIÈME PRIX a été décerné à Monsieur Jacques BONNAL de Ecommoy (72) pour

« LE GOLF M’A SAUVÉ LA VIE » ou une déclaration d’amour pour le golf et l’existence.

Présentation de l’auteur :

« Je n’ai jamais joué au golf mais, j’aime le sport et les histoires. j’ai beaucoup joué au tennis de table. Finalement, c’est un peu le même sport que le golf : chercher à placer avec précision une petite balle blanche sur une grande surface verte. Il y a un an, j’ai eu un Accident Vasculaire Cérébral. Et, taper dans une balle de ping-pong me permet de continuer de jouer avec la vie. Et, si, je commençais à jouer au golf! »

LE GOLF M’A SAUVÉ LA VIE

Des balles blanches volent dans ma tête, les clubs se dressent vers le ciel, l’air gonfle mes cheveux. J’ai mal à la tête. J’ouvre les yeux , je vois mal à gauche, des étoiles scintillent à gauche. Des fées habillées tout en blanc frôlent mon lit. Elles parlent d’AVC. C’est quoi un AVC ? Un Artiste Voltigeur Cinéphile ? Un Amateur Virilement Correct ? Un Ardent Vireur Collectionneur ? Non, j’entends un murmure. Un AVC serait un Accident Vasculaire Cérébral ! Je suis sorti de la route ou du droit chemin. Un caillot s’est mis dans une veine, un accident de la circulation dans mon cerveau ! Je n’ai pas fait attention. C’est dommage, une semaine avant, j’avais joué comme un Dieu, je n’avais jamais aussi bien putté !

Il faut que je sois optimiste. J’ai l’impression d’être sous un terrain de golf, dans le royaume des taupes. Mais, je ne veux pas manger les pissenlits par la racine. Je regarde à droite. Je vois des chiffres partout, des tuyaux qui donnent la vie, une bouteille qui coule, mon sang circule, c’est le principal. Autour de moi, de belles princesses me caressent les bras et me sourient. Sous leurs blouses blanches, vertes ou bleues, se dressent de jolis tees à la recherche du soleil, les fairways s’étendent à perte de vue. Aucun brin d’herbe ne dépasse des greens, les aigles planent sur le parcours, les albatros volent en escadrille. Je me sens comme une pieuvre. Chaque tentacule porte un club. J’ai terriblement envie de jouer.

Une déesse aux cheveux de feu me parle d’IRM, de scanners, de radios. Je suis analysé, scruté, répertorié. J’ai fait un double bogey, j’étais parti pour le par, pas loin du birdie ! Mais, j’ai un peu trop abusé des clous de cercueil, des tisanes alcoolisées, des viandes bien grasses et des pâtisseries trop sucrées. J’ai les tuyaux un peu bouchés. Je me souviens, je suis tombé devant la porte d’entrée, je ne tenais plus debout. Des messieurs en bleu m’ont porté jusqu’à leur grand camion rouge. Le camion a roulé vite, j’étais bien secoué, mais je sentais qu’on voulait me sauver. Maintenant, je me sens mieux, j’ai envie de sortir et de taper dans la balle.

Aujourd’hui, j’ai mis ma casquette de golf, mon pantalon à la tintin, mon tee-shirt au crocodile et mes chaussures de clown. Je suis prêt à rejouer. Je suis au golf de Mulsanne, mon terrain de jeu préféré. Je me sens comme un gamin devant un sucre d’orge, j’ai envie de me jeter dans l’herbe, de sentir la terre et les pins, de voir voler les papillons, d’admirer les insectes et de glisser sur le gazon. J’ai mon mouchard sous le sein gauche, j’ai le cœur bien surveillé. Je prends régulièrement mes médicaments. En principe, tout devrait bien se passer.

Enfin ! Je me retrouve au départ du premier trou, j’enlève mon gant, je caresse les balles, je suis tellement content de les retrouver. D’ailleurs, mon démarrage est un peu mou, je n’ose pas taper dans la balle, je la respecte trop. Je n’arrive pas vraiment à approcher des piquets. Je ne vois pas trop bien les obstacles, je vois toujours mal sur ma gauche. Je n’arrive pas à éviter le plan d’eau et les bunkers. Je coule et je m’enfonce dans le sable bien chaud. Ce n’est pas bien grave, c’est tellement bon de retrouver la vie, le soleil, l’air frais et le golf.